On revient sur l’éditorial : Tribunal correctionnel de Bastia : fraudes à Pôle emploi, peines de prison et d’amende requises

Voici un éditorial que notre équipe est heureuse de livrer ici sur notre site. La thématique est « la justice ».
Son titre (Tribunal correctionnel de Bastia : fraudes à Pôle emploi, peines de prison et d’amende requises) est sans équivoque.

Annoncé sous la signature «d’anonymat
», le journaliste est positivement connu.

Vous pouvez ainsi faire confiance aux révélations qu’il édite.

La date d’édition est 2023-02-09 01:06:00.

L’article dont il s’agit :

Devant le tribunal correctionnel de Bastia, le procureur a pointé, mardi 7 février, le rôle de deux hommes, « têtes d’affiche » selon lui, d’ »un système » de fraudes aux prestations sociales en Corse-du-Sud. Le procès s’achève aujourd’hui avec les dernières plaidoiries de la défense.

Au deuxième jour d’audience, mardi 7 février, du procès de malversations présumées au préjudice de Pôle emploi, le tribunal correctionnel de Bastia s’est penché sur les autres infractions reprochées à Frédéric Ferrandini, ancien directeur de l’agence d’Ajaccio de l’établissement public.

Il était notamment question de contrats aidés, financés par Pôle emploi, dont a bénéficié, voilà dix ans environ, l’association Handicap dépendance Corse-du-Sud (HD 2A), dans le cadre du foyer d’accueil médicalisé de Guagno. L’agence de services et de paiement a réglé 759 000 euros « qui n’auraient peut-être pas dû être versés mais elle n’a rien réclamé ni l’Urssaf », observe la présidente du tribunal, Paule Colombani.

Il est reproché à Frédéric Ferrandini d’avoir validé 38 dossiers alors que selon l’accusation, ils n’étaient pas éligibles, ce qu’il conteste. « Je n’étais pas le seul à dire qu’ils étaient éligibles », soutient-il. « Cette opération, qui était un modèle, visait à insérer des personnes dans le rural. Elles ont été choisies selon des critères fixés par arrêté préfectoral, d’après une note nationale du ministère du Travail. »

Pour le procureur, Frédéric Metzger, « sous couvert de générosité sociale, c’est du clientélisme, car vous briguiez, en période électorale, un poste à la mairie d’Ajaccio ». « Nullement, objecte le prévenu. 98 % de ces contrats sont des personnes qui ne votent pas à Ajaccio. » Le représentant du ministère public renchérit : « C’était pour faire plaisir à vos amis qui sont directeurs » de l’association. « Non, cela n’entrait pas en ligne de compte », rétorque l’ancien cadre de Pôle emploi.

Le tribunal a ensuite évoqué l’accusation de corruption passive portée contre Frédéric Ferrandini. Il est soupçonné de s’être fait reverser 8 000 euros qu’aurait touché de manière indue de Pôle emploi, un couple, dont le mari est l’un de ses amis, qui a été ensuite embauché par la mairie d’Ajaccio à des postes de catégorie C. « J’ai juste aidé des personnes à trouver un emploi, j’ai présenté les dossiers mais je n’ai signé aucun contrat et je n’ai pas touché un centime ! », martèle l’ancien cadre de Pôle emploi qui, dans ce dossier à tiroirs, reconnaît uniquement sa responsabilité dans de fausses formations et pour avoir perçu de manière injustifiée, 19 000 euros, de l’établissement public. « L’homme qui se présente devant vous n’est plus le même, répète celui qui est aujourd’hui salarié d’une entreprise de BTP. Ce que j’ai fait dans le passé, je le porte comme une charge. J’ai voulu aider des gens, je ne le referai pas aujourd’hui. Je ne suis pas un escroc ou Robin des bois, je suis quelqu’un qui a fait des erreurs. »

LIRE AUSSI.Pôle Emploi d’Ajaccio : un juge saisi et trois mises en examen

Mes Vanina Felici et Alain Cieol, conseils de la partie civile, Pôle emploi, qui estime son préjudice global à 174 000 euros, ont mis en exergue que Frédéric Ferrandini « avait une grande technicité qu’il a utilisée pour accorder des aides en dehors du cadre légal, sans négliger son intérêt personnel ou celui de tiers. C’était une fraude très élaborée. » Ils ont réclamé 15 000 euros de dommages et intérêts en réparation de « l’important préjudice d’image ».

« Un vaste dossier d’escroquerie » selon le parquet

« On ne parle pas d’une fraude à la petite semaine mais d’un vaste dossier d’escroquerie, d’un système complexe élaboré avec professionnalisme, dans le but d’optimiser les profits » et dont Frédéric Ferrandini et Christophe Gamon, gérant de la société de formation CGC Vecteur Sud, sont considérés comme « les deux têtes d’affiche », a souligné, en préambule, le procureur, dans ses réquisitions.

Frédéric Metzger a décortiqué les différentes formes, selon lui, de fraudes aux prestations sociales, notamment celles relatives à l’aide individuelle à la formation (AIF) : « Les formations financées par Pôle emploi Corse, prétendument dispensées par CGC Vecteur Sud, étaient fictives. » Selon lui, ces fraudes ont été réalisées, sur la base de « fausses factures et attestations de présence établies par Vecteur Sud », dans la majorité des cas avec la complicité ou la connivence de bénéficiaires, mais aussi à l’insu de demandeurs d’emploi à partir là aussi de faux documents, ou de modifications de leurs coordonnées bancaires « pour que les versements soient effectués sur le compte de M. Ferrandini ». Il estime le préjudice global à environ 99 000 euros.

LIRE AUSSI. Des fraudes présumées à Pôle emploi devant la justice

Le représentant du ministère public a listé les autres mécanismes frauduleux présumés comme ceux relatifs aux ateliers collectifs (pour un préjudice évalué à 17 000 euros) et ceux aux allocations-chômage (32 000 euros). Il qualifie Frédéric Ferrandini non pas « d’opportuniste qui a profité des faiblesses des dispositifs » mais de « personnage central. Il est impliqué dans tous les stades des fraudes, il conçoit, pilote et coordonne l’exécution des manœuvres ».

Pas convaincu par l’explication du prévenu qui dit avoir voulu aider des personnes en difficulté, le procureur affirme qu’il « est motivé par l’appât du gain pour lui ou son entourage », « il a reçu des allocations indues » et « des dessous-de-table de la part de M. Gamon en échange des fausses formations qu’il lui fournissait », « les enquêteurs ont établi l’enrichissement personnel de M. Ferrandini tiré des différentes fraudes » à hauteur d’environ 66 000 euros.

Il pointe « les bénéfices directs mais aussi indirects » comme « les aides indues » attribuées à HD2A dont « le directeur adjoint est Stéphane Sbraggia, premier adjoint au maire d’Ajaccio, et le secrétaire, Jean-Jacques Ferrara ; tous deux sont des amis de Frédéric Ferrandini » qui, fait-il remarquer, a ensuite rejoint la mairie d’Ajaccio où « il a été directeur de cabinet adjoint en 2014 puis DRH en 2016. »

Il a demandé au tribunal de le reconnaître coupable des infractions reprochées (détournement de fonds publics, corruption passive, concussion, prise illégale d’intérêts) mais pas de celle de subornation de témoin, estimant qu’il n’y a pas d’éléments pour l’étayer. Il a sollicité une sanction « à la hauteur » des faits tout en tenant compte de leur ancienneté (les derniers remontent à 2014) et en précisant que s’ils avaient été plus récents, il aurait « demandé un mandat de dépôt à la barre ».

Il a requis quatre ans de prison dont deux avec un sursis probatoire pendant une durée de trois ans « avec pour seule obligation, celle d’indemniser Pôle emploi », et deux par le biais d’un placement sous surveillance électronique, ainsi qu’une amende de 75 000 euros.

Une société de formation, « coquille vide »

Frédéric Metzger a requis contre Christophe Gamon, trois ans d’emprisonnement dont la moitié aménageable et l’autre moitié sous la forme d’un sursis probatoire avec obligation d’indemniser Pôle emploi, plus une amende de 50 000 euros. Selon le procureur, il était « le bras armé » de Frédéric Ferrandini et était, comme lui, « animé par l’appât du gain », « la branche formation de la société de M. Gamon n’était qu’une coquille vide qui n’avait d’autre raison d’exister que celle d’offrir à M. Ferrandini une structure pour organiser les fraudes aux formations » qui s’élèvent, selon lui, à 142 000 euros.

Le procureur a ensuite égrené les cas des huit autres prévenus poursuivis pour corruption ou complicité de détournement de fonds publics, dont trois seulement sont présents à l’audience.

Il a demandé dix-huit mois de prison, la moitié avec sursis et l’autre avec un bracelet électronique, contre une ancienne demandeuse d’emploi embauchée par CGC Vecteur Sud « par l’entremise de Frédéric Ferrandini », elle y a « occupé le poste de responsable de la formation » et « a reconnu le caractère fictif des formations ». Le procureur estime qu’elle est coresponsable des fraudes aux AIF mais « son implication se situe très clairement un cran en dessous » car « elle n’en a pas été l’instigatrice », et n’en « a tiré aucun profit » si ce n’est « chercher à sauver son emploi. »

Le représentant du ministère public a requis six mois de prison avec bracelet électronique contre un couple qui a touché de manière indue environ 15 000 euros (formations fictives et allocations-chômage), quatre mois de prison avec sursis contre trois bénéficiaires de formations qui n’ont pas eu lieu et ont touché 4 000 ou 2 000 euros, et une amende de 2 000 euros avec sursis contre deux anciennes employées de la société CGC qui « sur pression de leur hiérarchie » ont rempli la feuille de présence « à la place de stagiaires » mais « n’ont engrangé aucun bénéfice. »

Les premiers avocats de la défense, Mes Thomas Giuseppi, Sandie Lottin, Don-Georges Pintrel et Alain Falzoi, ont ensuite pris la parole. Intervenant à la défense des intérêts des prévenus les moins impliqués selon l’accusation, ils ont brossé le portrait de personnes vivant modestement et, dans la quasi-totalité des cas, ont plaidé la relaxe, ou demandé une juste appréciation des faits en soulignant notamment l’absence d’infraction ou d’élément intentionnel. Trois d’entre eux ont insisté sur le fait que leurs clients n’ont retiré aucun avantage ou bien uniquement « des miettes ».

Le procès s’est poursuivi et achevé mercredi 8 février avec les trois dernières plaidoiries de la défense, celles notamment de Mes André-Hubert Bezzina et Stéphane Nesa, respectivement avocats de Christophe Gamon et de Frédéric Ferrandini.

Publications:

De la justice dans la Révolution et dans l’Église/Onzième Étude,Clicker Ici . Disponible dans toutes les bonnes bibliothèques de votre département.

La Justice/Veille IX,(la couverture) .

Radioscopie de la justice pénale internationale,Clicker Ici . Disponible dans toutes les bonnes bibliothèques de votre département.