J’ai signalé ici la référence préliminaire et le contexte et Kokott AG a émis son avis fin septembre dans l’affaire C‑393/23 Athenian Brewery SA, Heineken NV contre Macédonienne Thrace Brewery SA.
Une personne lésée par une violation des règles de concurrence peut-elle poursuivre l’entreprise qui a commis cette infraction au siège de sa société mère dans un autre État membre ?
Cette affaire fait clairement écho à la théorie de l’unité économique dans le droit de la concurrence de l’UE, voir par exemple ENI. En revanche, dans l’arrêt MOL contre Mercedes Benz, la CJUE n’a pas eu recours à la théorie de l’unité économique dans le sens inverse, estimant qu’une société mère ne peut pas simplement revendiquer son siège social comme locus damni de l’article 7(2) Bruxelles Ia compétence lorsqu’une de ses filiales a subi un préjudice résultant d’une violation du droit de la concurrence. (L’AG dans Athenian Brewery se réfère uniquement à l’opinion d’Emiliou AG dans MOL).
(37) Le procureur général souligne que la condition de jonction prévue à l’article 8, paragraphe 1, est possible, car il existe un risque de jugements inconciliables résultant de jugements divergents sur la même situation de droit et de fait, existant selon toute vraisemblance lorsque la mère et la fille ont il a été établi que tous deux avaient enfreint le droit de la concurrence. Cependant, ce qui est moins clair (41) est
si un lien étroit au sens de l’article 8, paragraphe 1, du règlement Bruxelles I bis peut exister même si la responsabilité solidaire de la société mère et de la filiale pour l’infraction n’a pas encore été établie. Cela peut se produire en particulier dans le cas d’actions isolées qui, contrairement aux actions de suivi, ne peuvent pas être fondées sur une décision (contraignante) d’une autorité de concurrence, qu’il s’agisse de la Commission (article 16, paragraphe 1, du règlement n° 1). /2003) ou une autorité nationale (article 9 de la directive 2014/104).
(43) et suivants
« le fait, à l’appui de la présomption de contrôle, que la société mère détient (presque) la totalité du capital de la filiale est un indice très fort de l’existence d’un lien étroit entre les actions dirigées contre la société mère et la filiale pour le Aux fins de l’article 8, paragraphe 1, du règlement Bruxelles I bis, aucune autre preuve de l’existence de ce lien étroit n’est généralement requise (voir à cet égard la section a). Cette interprétation ne méconnaît pas l’exigence de prévisibilité de la compétence internationale du tribunal… De plus, elle garantit l’efficacité pratique de l’article 8, paragraphe 1, du règlement Bruxelles I bis sans laisser ouverte la possibilité que le requérant soit accusé de comportement abusif. comportement… »
L’AG explique tour à tour tous ces éléments et je partage son analyse. (60) par exemple, elle soutient les implications du « bon forum shopping » du mécanisme du défendeur principal :
Le fait pour la partie lésée de poursuivre la filiale grecque également là où la société mère néerlandaise est domiciliée et de soustraire ainsi celle-ci à la compétence des tribunaux grecs ne constitue pas un contournement de la règle de compétence. Si, malgré tout, les défendeurs sont domiciliés dans des États membres différents, l’article 8, paragraphe 1, du règlement Bruxelles I bis permet au demandeur de choisir le lieu devant lequel il introduit sa demande. Cette liberté de choix inclut la possibilité pour le demandeur de porter le litige uniquement devant le tribunal qui convient le mieux à ses intérêts.
J’aimerais que la CJUE reconnaisse également l’alternative : l’utilisation abusive du forum shopping en utilisant la règle du forum delicti de l’A7(2), par des entreprises commettant des violations du droit de la concurrence, comme je l’explique ici.
Geert.
Droit international privé de l’UE, 4e éd. 2024, 2.516.